Choisir d'etre gay ?

mardi, janvier 16, 2007

8. Aimer en position de père

Ces derniers temps j’ai eu à raisonner et à réconforter Antoine, qui était désolé par ce qu’il a ressenti comme une dérobade et un retrait de confiance de la part de son jeune ami Renaud. Il me disait à peu près ceci :

"Tu sais, et Renaud sait, que je ne désire pas to have sex with him, comme disent les Américains. Néanmoins, il arrive que nous partagions ensemble des moments d’intimité aussi au niveau du corps. Nous savons que nos caresses nous apportent la tendresse d’une manière qui, non seulement n’excite pas la pulsion sexuelle, mais au contraire l’apaise en rassurant le cœur. Le désir monte, s’offre à l’autre en un signe corporel d’affection, puis trouve son apaisement par le seul fait que la tendresse de l’ami vous accueille dans l’amour. L’amour se porte vers l’aimé à travers l’émotion du corps et, se voyant reçu et correspondu, se repose en lui. Ce mouvement du désir se répète en plusieurs vagues successives et fait entrer notre cœur, de plus en plus rasséréné, dans un repos infiniment plus profond que la petite mort qui suit le plaisir sexuel. Renaud sait que c’est vrai, car il a pu l’expérimenter plusieurs fois avec moi et il en a retiré, de son propre aveu, un grand bonheur d’amour d’amitié. Et pourtant, il se retient encore, sans donner d’explications, d’offrir tout son corps à cette tendresse, dont il sent par ailleurs qu’elle lui apporte le repos du cœur et l’apaisement des sens.
De mon côté je vis cette dérobade comme un refus de confiance. C’est comme s’il avait à se protéger de moi dans une partie de lui-même, comme si ma tendresse pouvait constituer une menace pour ce qu’il a de plus vulnérable dans son corps. Le voir glisser alors dans l’inertie passive, voire dans le sommeil, me laisse l’impression qu’il redoute sa sensibilité parce qu’en fait il n’est pas porté dans l’amour vers la personne de son ami, mais qu’il rêvasse plutôt du côté de ses fantasmes. Le sentir se rétracter ainsi, au moment même où ses paroles et se gestes viennent d’affirmer hautement le désir de se donner, me fait craindre qu’il ne se paie de mots et que son amour pour moi ne soit en réalité qu’un amour de tête. Cela ne m’est-il pas confirmé quand je vois, sur un site d’Internet spécialisé pour cela, qu’il m’a supprimé sans me le dire de sa liste de contacts sur son chat MSN et qu’il m’y a même "bloqué" pour que je ne le voie pas quand il est en ligne et que je ne puisse venir le déranger quand il chatte avec d’autres personnes. Lui, en revanche, pouvant venir chatter avec moi quand il veut, bien sûr. Ces soupçons rouvrent en moi la blessure d’abandon que nous portons tous en nous et, sans me plaindre, je me replie sur moi et en silence lui ferme mon cœur. J’ai beau chercher à rester extérieurement le même, il le devine et cela le met sans doute à son tour dans l’insécurité. Je crois que, dans ce cas, ni l’un ni l’autre nous ne savons que faire, car les paroles rassurantes que nous échangeons ensuite sonnent faux".

J’ai répondu à Antoine que je ne pouvais entièrement le détromper, car la jeune génération d’aujourd’hui, qui au départ de la vie n’a pas eu une famille digne de confiance, surfe trop sur une culture individualiste de libre-service et de chat pour ne pas être attirée malgré elle dans une spirale d’égocentrisme féroce. Néanmoins, ce narcissisme doit sans doute beaucoup à la fragilité psychologique de jeunes dépourvus d’éducation parentale et de véritable culture. Il faut donc se garder de le mettre intégralement au compte du manque de cœur. Au lieu de récriminer contre eux et de menacer de les laisser tomber, ce qui ne ferait qu’affoler leur fragilité affective, prenons de sages résolutions au sujet de la manière dont nous nous positionnons à leur égard. Tout d’abord ne soyons jamais en situation de demandeurs. Ils ne peuvent pas s’empêcher de profiter des relations où nous sommes en dépendance par rapport à eux, voire de les susciter, en fait plus pour se rassurer sur notre attachement que par perversité. Ne cédons en rien à ce petit jeu de séduction-abandon, tout en leur témoignant une affection persévérante, mais seulement au nom d’une fidélité librement accordée. Comme toute personne ayant à aimer de manière paternelle, n’attendons pas grand-chose d’eux pour nous-mêmes, en sorte que dans ce domaine ils ne puissent nous surprendre qu’en bien.
Alors, nos attentes et nos demandes à nous, à qui donc les porter ? A quelqu’un dans nos âges. Lui comprendra.